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Nécessité de réaliser des tests indépendants sur le lieu de travail et débat de fond

- Travail ergonomique | Équipements de protection individuelle | Recherche scientifique

Expert Veerle Hermans

Responsable de la discipline Ergonomie

Des exosquelettes défectueux lors d’une expérience d’IDEWE

Afin d’alléger le travail lourd et maintenir les travailleurs plus longtemps au travail, de plus en plus de technologies innovantes entrent en ligne de compte. IDEWE a mené une étude dans une tôlerie industrielle afin de savoir si les travailleurs utilisaient judicieusement des exosquelettes passifs. Selon les fabricants, ces dispositifs d’assistance pourraient remplacer 40 % de l’activité musculaire humaine. « Une vérité qui s’avère pourtant un peu moins rose dans la réalité », explique Steven Amandels, conseiller en prévention.

Les exosquelettes sont des structures mécaniques portables. L’exosquelette passif qui protège le bas du dos se porte comme un sac à dos et comporte des points d’appui au niveau du sternum et des cuisses. Des ressorts et des charnières intégrés apportent forces et soutien à la personne qui le porte et permettent à celle-ci de réaliser certains actes.

« Il existe deux sortes d’exosquelettes », explique Steven Amandels. « Les exosquelettes actifs sont équipés d’une commande permettant de produire une force supplémentaire dans l’articulation. Les exosquelettes passifs, que nous avons testés sur le lieu de travail, utilisent la gravité et des ressorts pour limiter l’impact d’un mouvement et soutenir de cette façon la personne qui le porte. »

Quel est précisément l’objectif de votre étude ?

« J’avais remarqué que de plus en plus d’employeurs étaient intéressés par les possibilités qu’offrent ces dispositifs d’assistance. Cependant, il existe très peu de publications qui démontrent leur valeur ajoutée au travail. Leur popularité est par conséquent fondée sur des affirmations des fabricants qui peuvent exposer tout au plus les résultats de tests en laboratoire. Avant que les appareils n’apparaissent sur le lieu de travail, il m’a semblé utile de les tester au moins dans des circonstances contrôlées sur le travailleur. »

Comment avez-vous procédé ?

« Nous avons mis à disposition de la tôlerie un exosquelette en vente sur le marché. Dans l’une des sections, les travailleurs exécutent toujours les mêmes manipulations : prendre une pièce et la déposer dans un conteneur. Étant donné qu’il s’agit de produits volumineux, ils doivent régulièrement tendre les mains. Notre squelette devait s’assurer que les travailleurs ressentent une contre-pression au niveau de la poitrine afin de fournir moins d’effort pour se redresser. Nous voulions savoir si les allégations du fabricant étaient correctes. »

 Quelles ont été vos conclusions ?

« L’effet était beaucoup moins important que celui enregistré dans le laboratoire. Alors que le fabricant affirme que l’activité des muscles dorsaux diminue de 40 % grâce à l’exosquelette, nous n’avons constaté qu’une diminution de 12 %. La différence s’explique notamment par le fait qu’un squelette est généralement testé par les étudiants, dont l’IMC se situe entre 20 et 25. Nos sujets étaient en revanche des travailleurs âgés avec un IMC de plus de 25, ce qui représente une réalité dans un environnement de production. Étant donné que le squelette donne une certaine résistance fixe, chaque travailleur expérimente différemment le dispositif d’assistance. L’effet était dès lors beaucoup moins important. »

Avez-vous pu tirer des conclusions concernant l’acceptation sociale ?

« La baisse très limitée du confort, qui selon le fabricant a été constatée lorsque ce type de squelette était porté en laboratoire, a considérablement été accentuée sur le lieu de travail. En effet, le seuil d’irritabilité des travailleurs est beaucoup plus bas dans une situation de travail concrète que dans un laboratoire, en raison notamment de la chaleur, la poussière, la pression au travail et le bruit. Les problèmes liés au confort ont suffi pour que la plupart des travailleurs n’aient pas l’intention de continuer à utiliser l’exosquelette. Même si les personnes en question ont reconnu que le dispositif offrait effectivement un soutien et même si une partie d’entre elles souffrait de problèmes de dos. L’avantage ne contrebalançait pas l’inconvénient selon eux. »

Cette expérience suffit-elle à remettre en question l’utilité des exosquelettes ?

« Certainement pas. Un des objectifs de cette étude était de sensibiliser davantage de personnes sur l’utilité des exosquelettes. Cela ne signifie cependant pas que nous devons accepter toutes les informations des fabricants. Pour l’instant, nous avons besoin d’informations étayées scientifiquement pouvant être utiles à la production et à l’adaptation des exosquelettes. Je déplore également l’absence d’un débat de fond plus large sur ces nouveaux dispositifs. Il y a beaucoup d’incertitudes en ce moment, notamment sur la manière dont doivent réagir les employeurs face à un travailleur qui a refusé de porter un exosquelette, mais qui par la suite s’absente pendant une longue période en raison de problèmes de dos. Il s’agit actuellement d’une question ouverte qui est très peu abordée. »

 

 

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